Entretien avec Pr José-Alain Sahel, retour sur l'histoire de l'Institut de la Vision Paris
À l'occasion de notre reportage exceptionnel sur l'Institut de la Vision Paris, la rédaction du Guide de la Vue a eu le plaisir et le privilège de s'entretenir avec le Pr José-Alain Sahel, afin qu'il partage avec nous sa vision sur cette grande aventure humaine. Avec son œil avisé et expert, il a su faire preuve de persévérance pour la réussite de ce projet qui a rencontré nombre de rebondissements et de freins.
Comment qualifieriez-vous cette aventure, avec le recul ?
L’histoire de l’Institut de la Vision, c’est une aventure de la persistance, de la résilience au service des patients. Il a fallu partir de rien, ne pas se laisser abattre par le manque de moyens financiers et de soutien institutionnel. Il y a eu tellement de fois où il y a eu des raisons d’abandonner, comme lors de l’incendie deux mois après l’ouverture, sans parler des multiples mesquineries et coups bas du monde hospitalo-universitaire. A chaque fois, on se disait qu’il n’y avait pas le choix, qu’il fallait trouver des solutions. C’est ce que je dis toujours : « les patients n’ont pas le choix donc nous non plus ». Les patients nous font confiance, à partir de ce moment-là leurs questions deviennent notre problème. Je n’ai jamais accepté que qui que ce soit d’autre nous dicte nos priorités. C’est à nous de trouver les instruments intellectuels, technologiques, les talents pour avancer sur une route infinie.
Imaginiez-vous que vous en arriveriez là où en est l’Institut de la Vision aujourd’hui ?
Honnêtement non. Il y a eu pas mal de petits miracles, de choses extraordinaires qui se sont passées, qui ont permis d’avancer. Quand nous avons créé le laboratoire de physiopathologie de la rétine avec Henri Dreyfus et David Hicks, je n’avais jamais prévu qu’on arriverait à développer ce qu’on a fait avec l’Institut de la Vision, qu’il prendrait une telle ampleur et qu’on arriverait à attirer des gens aussi brillants. C’est ça qui a été extraordinaire. Nous avons été rejoints par des gens de très haut niveau au fur et à mesure : Serge (Picaud), puis Thierry (Léveillard), puis Alain Chédotal, Olivier Goureau, Jean Livet, Valentina Emiliani, Filippo Del Bene, Isabelle Audo, Christina Zeitz, Jens Duebel, Deniz Dalkara, Annabelle Reaux-Le Goazigo, Angelo Arleo et tant d’autres qui ont apporté leurs connaissances, leurs savoir-faire, leur enthousiasme et attiré des étudiants et collègues exceptionnels… Et ça continue. On a réussi à faire arriver progressivement des gens avec leur enthousiasme, leur propre charisme, qui en ont attiré d’autres. Florian Sennlaub, Olivier Marre, j’en oublie... Il y a de plus, un aspect humain. Ce sont beaucoup de gens de très grande qualité humaine. Il s’est créée entre nous une vraie amitié professionnelle, une vraie confiance.
Pr José-Alain Sahel pour les 10 ans de l'Institut de la Vision Paris © Pierre Kitmacher
Vous avez souhaité être impliqué dans la conception de l’architecture de l’Institut de la Vision, pourquoi ?
Il me semble que l’architecture doit être au service d’un concept, construire une atmosphère. A Londres et dans beaucoup de sites, chaque laboratoire est fermé, il faut un code pour rentrer. C’est sûrement très bien sur le plan de la protection des données mais cela ne crée pas une situation où les personnes communiquent, se parlent, échangent. Cela crée un cloisonnement. Moi je voulais un endroit où les gens ne se sentent pas enfermés, où ils puissent développer le meilleur d’eux-mêmes et conduire des projets cheminant entre plusieurs équipes et champs disciplinaires. En réalité ce qui construit vraiment l’avenir, c’est l’imprévu, l’improbable. Ce sont les talents de gens qui arrivent avec leurs idées, leurs compétences. C’est ça qu’il faut réussir à faire émerger. On ne peut pas planifier, savoir à l’avance ce qui va arriver mais on peut créer les conditions d’émergence.
Propos recueillis par Aline Aurias. Photo en vignette : Institut de la Vision © SU_LArdhuin
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